Prestations sociales : "La fraude non détectée se chiffre entre 14 et 45 milliards d'euros" estime le rapporteur de la commission d’enquête sur la fraude sociale
Dans un rapport publié mardi, la Cour des comptes pointe plusieurs défaillances dans le contrôle réalisé sur le versement des prestations sociales. Pour Pascal Brindeau, rapporteur de la commission d’enquête sur la fraude sociale, le montant total de la fraude pourrait grimper jusqu'à 45 milliards d'euros.
La Cour des comptes formule dans un rapport publié mardi15 propositions visant à mieux "mesurer l'ampleur" de la fraude aux prestations sociales et à en "tarir les possibilités". "La fraude non détectée se chiffre entre 14 et 45 milliards d'euros", a expliqué mercredi 9 septembre sur franceinfo Pascal Brindeau, député UDI du Loir-et-Cher, rapporteur de la commission d’enquête sur la fraude sociale.
franceinfo : D'après la Cour des comptes la fraude sociale représentait un milliard d'euros en 2019. Est-ce le total ou est-ce que c'est plus ?
Pascal Brindeau : C'est la face émergée de l'iceberg puisque par définition ce n'est que la fraude qui a été détectée et dont le préjudice a été réparé. En réalité, nous savons pertinemment au sein des différents organismes de prestations sociales qu'il existe une fraude qui n'est pas détectée et qui représente des montants importants. Selon des études déjà menées cela se chiffre entre 14 et 45 milliards d'euros. Ce sont des chiffres que je considère comme tout à fait plausible.
Pourquoi est-il difficile de chiffrer cette fraude ? Qui sont les fraudeurs ?
Bien sûr, il y a un problème de partage des données qui n'est pas effectif en France et qui facilite pour des individus ou des organisations, une fois inscrite dans le système, la multiplicité des fraudes. Il y a des profils types en fonction des fraudes.
La fraude au RSA, la fraude à l'allocation logement, c'est plutôt individuel, mais vous avez aussi des organisations criminelles qui s'attaquent aujourd'hui au système des allocations logement par usurpation d'identité notamment.
Pascal Brindeauà franceinfo
Les fraudes aux cotisations liées au travail sont plutôt le fait d'organisation que d'individu et souvent piloté de l'étranger. Il y a aussi des organisations criminelles terroristes qui profitent du système pour contribuer au financement de leurs activités.
Est-ce qu'il y a de nouvelles fraudes liées à la pandémie de coronavirus ?
Oui, on a constaté des fraudes assez importantes sur la mise en place du chômage partiel à la suite de l'épisode de la Covid. On craint ce même phénomène d'aubaine et de fraude possible sur le chômage partiel long lorsqu'il sera mis en place. Le problème c'est qu'une entreprise peut déclarer des salariés en chômage partiel et que le contrôle ne se fera qu'un an plus tard. Pendant un an, l'entreprise touche le chômage partiel et peut disparaître.
Que faut-il faire pour lutter contre les fraudes ?
Plus vous contrôlez plus vous trouvez de fraudes, plus vous trouvez de fraudes plus vous pouvez la réparer. Certains organismes sociaux le font, le CAF notamment, et intensifient leurs politiques de contrôles. Il y a aussi le fait de limiter la possibilité de déclaration pour pouvoir obtenir des prestations sociales. Il faudrait qu'on trouve un système de vérification des données par tiers de confiance et cela impose le croisement des données par tous les organismes.
La fraude sociale est-elle une priorité du gouvernement ?
Cela doit être une priorité politique, cela ne l'est pas forcément aujourd'hui si j'en crois la lettre de mission qui vient d'être adressée par le ministre de la Santé aux nouveaux directeurs de la Cnam. A aucun moment il n'est fait référence à un objectif contre la fraude sociale. C'est regrettable, il faut continuer à insister sur ce volet parce que nos concitoyens ne comprennent plus qu'on puisse laisser des milliards filer comme ça.
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